mercredi 12 mai 2010

Frank Frazetta (1928 - 2010)

Je me rappelle très bien la première fois que j'ai découvert «un Frazetta» : dans une librairie de la Palmyre, au bord de l'océan, durant les vacances d'été. J'avais 10-11 ans. Je lisais encore des LDVEH, je n'avais pas encore découvert le jdr, je bouffais de la BD franco-belge et du comics... et je suis tombé sur ce livre et cette peinture. Non seulement je découvrais la littérature d'heroic-fantasy avec ce qui se fait de meilleur dans le domaine mais je me suis pris littéralement une claque. Aujourd'hui je ne sais pas vraiment pourquoi je fut autant happé par cette image, sûrement une histoire de magie envoûtante. Bon, il y a quand même tout ce qui fait Frazetta, déjà. La tension des muscles, l'action, le dynamisme, ce regard – bon sang! ce regard ! - la composition et ce rouge qui entoure la créature... Bigre !



La seconde fois où Frazetta a croisé ma route, c'est avec la découverte d'un recueil de ses BD parues dans les années 50, avec des héros comme Thunda, des illustrations de Flash Gordon et quelques belles images tirées des sagas de Burroughs, annonçant l'avènement de l'heroic-fantasy graphique. Il me reste encore une phrase issue de ce livre, qui depuis a fait sa place dans un coin de ma tête et qui s'avère – forcément – très juste : «L'art, ce n'est ni la peinture, ni le dessin – c'est l'effet absolu, c'est frapper les gens droit entre les deux yeux.»



La troisième fois, ce fut chez un bouquiniste à Grenoble, je devais avoir 16 ans et j'étudiais les arts graphiques. Et je suis tombé sur un recueil de peinture paru dans les années 70. A ce moment là, un nouveau monde dont j'avais entrouvert la porte me sautait à la gorge. Une véritable bouffée de génie presque asphyxiante, des couleurs bariolées et sombres à la fois, une technique imparable (merci Wyeth, Remington, Allen St John, Krenkel...), des histoires derrière chaque image et cette décomplexion par rapport au rendu, au traité de certaines peintures, cette rapidité apparente et maîtrisée, la découverte de l'huile et de ses techniques et puis ces femmes...




Frazetta ne m'a pas beaucoup quitté durant toutes ces années où je me suis forgé un style (j'ai tant essayé de l'imiter au début ! ^^) et des dizaines de bouquins sont sortis depuis sur cet immense artiste. On peut facilement le redécouvrir (ou le découvrir !), on n'est plus obligé de courir après telle rareté ou tel artbook introuvable. Il laisse un héritage lourd, une marque de fabrique reconnaissable entre toutes. Et pour ma part, je n'ai jamais retrouvé cette sauvagerie chez un autre peintre ou illustrateur. Jamais. Frank Frazetta, sur les épaules d'autres artistes qui l'ont précédé bien sûr, a insufflé une nouvelle énergie dans l'illustration d'aventure et de fantasy et ce depuis les années 50 ! Il est le créateur de l'heroic-fantasy graphique, on ne peut le nier. Certains artistes sont indétrônables. Vous voulez savoir à qui je pense ? Pensez donc à Jimi Hendrix ou à Moebius et vous saurez de quoi je parle...

" Je préfère faire ce qui n'a pas encore été fait, et peut-être le faire suffisamment bien pour qu'on se souvienne de moi à cause précisément de cela."

Frank Frazetta